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Histoire du cinéma coréen

De la tourmente à la censure, jusqu'à la reconnaissance mondiale.
Enquête
Publié le 26 . 09 . 2025
Corinne Tironneau
À l'occasion de la première édition d'une rétrospective du cinéma coréen au Mans, Corinne Tironneau, chroniqueuse de l'émission "Asialogie" sur Radio Alpa, nous invite retracer l'histoire de ce cinéma, reflet des aspirations profondes de notre société en quête de repères, et en pleine mutation culturelle.

De ses premières productions pendant l’occupation japonaise, aux films étouffés par la censure jusqu’à aujourd’hui, le cinéma coréen ne finit pas de nous étonner et de nous séduire…

C’est en 1896, un an après le premier film des frères Lumière que le cinéma sera introduit en Asie par des projectionnistes étrangers, d’abord en Inde, au Japon puis en Chine vers 1900. Le cinéma arrivera plus tardivement en Corée. En 1900, les japonais étaient déjà présents et préparaient la colonisation, ce qui a été une très grande contrainte pour la production cinématographique coréenne.                                                               

Entre 1910 et 1945, année de l’indépendance de la Corée, la production de films a été profondément marqué par la censure, mais aussi par l’assimilation culturelle imposée par la politique impérialiste du Japon. Au cours des premières années, le cinéma coréen s’inspirait des traditions et formes théâtrales locales, mais il a été rapidement soumis à un contrôle strict et à une réglementation destinée non seulement à limiter la liberté d’expression, mais aussi à favoriser une image positive du régime japonais.

Dans les années 20, les films muets coréens étaient accompagnés par des byeonsa, les bonimenteurs, ce qui pouvait permettre encore une forme de liberté…

Mais le contrôle colonial va restreindre progressivement ces pratiques. Le vrai premier film coréen d’auteur, c’est Arirang en 1926 qui deviendra le symbole d’un cinéma de résistance. Il a été réalisé et interprété par Na Woon-gyu, considéré comme le « père du cinéma coréen ». Le titre renvoie à la chanson populaire coréenne « Arirang, symbole de la douleur nationale et de la nostalgie.

Arirang était un film muet, comme la quasi-totalité des productions coréennes de l’époque. Les dialogues et les émotions étaient transmis bien sûr par le jeu des acteurs, avec des textes insérés entre les images, mais surtout par le byeonsa qui commentait, expliquait l’action, en ajoutant une analyse politique subtile que les images seules ne pouvaient pas exprimer à cause de la censure. Arirang, c’est l’histoire d’un étudiant coréen libéré d’une prison japonaise et traumatisé par son emprisonnement… Il va retourner dans son village et va constater l’oppression et le désespoir ambiant. C’est un film tragique puisque le héros va tuer un collabo coréen qui avait tenté de violer sa sœur.

Ce film part d’un mélodrame personnel, et va exprimer la condition nationale coréenne sous la colonisation. Le titre et la chanson du film ont renforcé la lecture patriotique qu’en faisaient les spectateurs.

Arirang a été un immense succès populaire et il a marqué la naissance d’un cinéma coréen engagé, malgré la censure. Malheureusement, la copie originale est perdue, il ne reste que le récit et quelques images fixes. Il aura plusieurs remakes, en 1935 et en 1954.                                                                                                                                    

Arirang · Youn Sun Nah

Puis sous l’influence du Japon, le cinéma coréen s’est modernisé, mais pour servir la propagande. Les films produits devaient promouvoir les actions du gouvernement japonais, glorifier l’empire et encourager la loyauté envers l’empereur. Beaucoup de films coréens ont ainsi été coproduits ou directement supervisés par les studios japonais. La langue coréenne a été peu à peu remplacée par le japonais. Les thèmes patriotiques japonais imposés ont marginalisé les récits de la culture coréenne. Cette oppression a énormément limité la créativité des cinéastes, et cela, jusqu’à la libération en 1945. Mais une telle colonisation avec l’assimilation culturelle qui a suivi a laissé des traces pendant de longues années, avec à suivre la guerre de Corée et les différentes dictatures qui se sont succédé jusqu’en 1987.

Malgré la propagande imposée et la censure, la période coloniale a permis malgré tout à une première génération de cinéastes coréens de se former. Beaucoup d’entre eux, ont continué à travailler dans le nouveau contexte complètement transformé par la guerre de Corée et la division du pays. Il y aura donc un renouveau avec des films notables comme en 1955, La Veuve de Park Nam-Ok, qui est le premier film réalisé par une femme en Corée, et celui de Kim Ki-youngLa Servante, en 1960, film qui fait partie de la sélection de la rétrospective.

Les années 80, en Corée, c’était le temps des dictatures militaires. Après l’assassinat du président dictateur-bâtisseur Park Chung-hee en 1979, la Corée du Sud a connu une période de forte instabilité. Chun Doo-hwan, un général de l’armée, va prendre le pouvoir par un coup d’État, et instaurera un régime encore plus autoritaire sous couvert de la loi martiale, avec couvre-feu, censure des médias, et arrestations d’opposants. Il est important de rappeler le massacre de Gwangju en mai 1980

Suite à des manifestations pour davantage de liberté, les militaires vont massacrer des civils, surtout des jeunes. Le bilan estimé, c’est plus de 1 000 civils tués, des milliers de blessés et d’arrestations… On ne connaît pas les chiffres exacts. Pour faire oublier cet épisode terrible, le gouvernement va lancer la politique des « 3S » : Screen, Sex, Sports, pour canaliser la population vers le divertissement et la détourner de la politique. C’était une stratégie de la dictature pour contrôler la société sans réprimer totalement les loisirs populaires.

Le plus grand succès cinématographique de l’époque, c’est Madame Aema sorti en 1982, un film érotique plutôt soft, symbole de cette censure sélective. Dans ce film au succès phénoménal, un peu comme en 1974 Emmanuelle en France, il n’y avait pas de critique sociale, et était conforme aux règles fixées par l’état. Mais aujourd’hui, avec le recul, ce film nous en apprend beaucoup sur la condition des femmes et sur l’image et la représentation que les hommes en avaient… Ce film raconte l’histoire d’Oh Su-bi, une femme qui multiplie les aventures extraconjugales, alors que son mari est en prison. Madame Aema a attiré plus de 100 000 spectateurs à Séoul et a engendré 12 suites, faisant de cette série de films la plus longue de l’histoire du cinéma coréen, un peu comme Angélique, marquise des anges en France !

En 1987, avec l’avènement de la démocratie, on assiste à une vraie renaissance, et cela, avec le soutien du nouveau gouvernement qui va mettre en place une politique de quotas favorisant le cinéma coréen. C’est là que de nouveaux réalisateurs vont émerger comme Kim Ki-duk, Hong Sang-soo, et Park Chan-wook. La créativité va exploser et le cinéma coréen va être reconnu mondialement et salué, non seulement par la critique, mais aussi et surtout par un très large public. On se souvient de ces films des années 2000 : Oldboy (2003) de Park Chan-wook, The Host (2006) de Bong Joon-ho, Dernier Train pour Busan (2016) de Yeon Sang-ho, et Parasites (2019) aussi de Bong Joon-ho, le premier film non anglophone à remporter l’Oscar du meilleur film, sans compter KPOP Demon Hunters, le succès phénoménal d’un dessin animé qui bat tous les records d’audience au monde, et qui est sorti en salle dans beaucoup de pays après sa sortie sur plate-forme en 2025…

D’après les spécialistes, les films coréens ont quelque chose de spécial : leur narration est originale, la mise en scène innovante, et il y a souvent un mélange des genres : thriller, drame, comédie, fantastique et horreur… Toujours avec une esthétique soignée et marquante, des décors immersifs, leurs thèmes sont récurrents, comme les inégalités sociales, l’injustice et la vengeance, la famille et la filiation… Ce sont des films qui ont de la profondeur avec des thématiques en prise totale avec notre époque.

Rétrospective du cinéma coréen
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